jeudi 22 novembre 2007

Ce que tu lis déménage!










Chers amis lecteurs, chers curieux,

Mon blog déménage,

Pour être plus beau, plus clair, plus moderne, plus simple...

Retrouvez-le
ici avec un nouvel article!

samedi 27 octobre 2007

Lecture matinale inavouable

Paris, dans un ascenseur de l'île Saint-Louis, Le 25 octobre 2007

J'avais envie d'un billet idiot - vous me le pardonnerez.


Il existe trois types (au moins) de lectures inavouables :




1. Les longues heures passées à réchauffer un trône en émail, dans l'intimité d'un livre de Melville, ou d'un bon magazine de mode décérébré, faisant fi du monde extérieur et notamment de la personne qui se tortille d'envie de faire pipi de l'autre côté - comme Malcolm.







2. Les longues et éprouvantes nuits passées à planquer honteusement une lecture un peu pornographique - oh, vaguement... à l'adolescence, sous sa couette maculée de Nutella et de Kit-Kat pulvérisés.








3. Les longues minutes passées, le matin, à mastiquer des Choco Pops en scrutant le singe hilare (Dieu seul sait pourquoi...) dessiné sur le paquet et son fabuleux cadeau qui se cache tout au fond du sachet en plastique... ce fond du paquet de cornflakes, où il n'y a plus qu'une vague poussière de grains de riz génétiquement modifiés et accessoirement, soufflés.





Je m'étends sur ce dernier type, parce que c'est celui qui me pousse à vous dévoiler la teneur de ma lecture matinale.




Fraîche, souriante, pas encore maquillée (merveilleusement champêtre en somme), j'achète ma baguette chez le boulanger : elle est tiède et dorée, c'est une baguette Tradition. Dans quelques secondes, je la dégusterai, tartinée d'un beurre fermier et accompagnée d'une tasse de café brûlante avec un nuage de lait entier. Comme c'est beau, la France! Jean-Luc Petitrenaud me regarde avec satisfaction par-dessus ses petites lunettes de fer, Jean-Pierre Coffe m'adoube, Maïté me fait reine.



Et soudain dans l'ascenseur, ce constat horrifiant : on m'a trompée. On m'a trahie. Vil boulanger! Ce n'est pas une baguette Tradition. C'est une baguette ROCK'N'ROLL !


Le rock? J'adore. Dans mon Ipod. Pas avec du beurre fermier dessus.


Avec horreur, mon regard ne peut quitter le sachet de papier qui enveloppe ma baguette de pain :





Non seulement ce papier s'orne d'une moto rutilante sur laquelle ma baguette a l'air de concurrencer Brigitte Bardot chantant "Harley Davidson"...





Mais le texte ! C'est rétro, certes. Rétro, mais pas encore assez. Enfin quoi! Nous voulons du rétro campagne, qui fleure bon la bicyclette d'Yves Montand, pas du rétro qui schlingue l'Easy Rider à Tourcoing!




Ceux qui ont rédigé ce texte effarant auraient bien besoin d'un publicitaire winner, pour citer Christian Sauvage qui en riait récemment sur son blog chez Livres-Hebdo...



Désormais, pour moi, c'est Poilâne. Au moins, le matin, quand mon oeil refuse de s'arracher à ses lectures comateuses de petit-déjeuner, je peux contempler un bel âne de nos campagnes qui me raconte à quel point ce pain est bien de chez nous, rassurant, traditionnel.

C'était un billet inavouable pour une lecture inavouable.

mardi 23 octobre 2007

Romain lit "La femme du cinquième"

Marne-la-Vallée, dans un endroit hyper super top secret, le 22 octobre 2007



Romain, 30 ans, régisseur. Vit en région parisienne


Je travaille parfois sur un spectacle que je n'ai pas le droit de nommer ici (chut chut!). Quand Romain fait la régie, c'est génial. Tout juste si on ne sort pas le pack de Kronenbourg et la pizza. Non, je plaisante. Romain est un aimable lecteur qui bouquine sagement en coulisses... et ne s'attendait vraiment pas à être interviewé par une comédienne en costume de groom!


Qu'est-ce que tu lis?

La femme du Ve, de Douglas Kennedy.



L'histoire d'un loser. Un homme de quarante ans, marié, père de famille, professeur en université aux Etats-Unis, fraîchement débarqué en France après avoir perdu sa femme, l'amour de son enfant et son métier. Il est sans argent à Paris et il essaie de démarrer une nouvelle vie.




Une phrase que tu aimes dans ce livre :

"Il avait l'air facile, ce boulot pas réglo". Ca résume bien le moment où j'en suis dans le bouquin. Point.


Sinon il y a aussi une citation qui me plaît en page de garde, une citation de Georges Simenon dans La fuite de Monsieur Monde :


"Tout ce qu'il avait dit au commissaire était vrai, mais il arrive que rien ne soit plus faux que la vérité".




Hé, mais il est super, ton marque-page! Ca prouve qu'il y a des gens qui lisent ET qui aiment encore la photo argentique... j'adore!





Pourquoi ce livre?

J'ai lu d'autres livres de cet auteur qui m'ont beaucoup plu, notamment Cul-de-Sac et L'homme qui voulait vivre sa vie. J'aime bien le style d'écriture du gars, qui est assez direct. Il parle de personnes de personnes assez mal en point, qui vivent des tas de petites choses qui peuvent pourrir la vie... rien d'extraordinaire, des personnages qui doivent ramer pour revenir à une situation personnelle décente.


Le style est très rigolo, même si ce n'est pas un roman drôle.





Ce marque-page me fascine... à la lumière, on distingue un groupe de rock en plein concert. Romain m'apprend qu'il travaille avec eux...



Comment ce livre est-il arrivé entre tes mains?

Je l'ai acheté dans un supermarché du livre (sic) qui s'appelle Cultura, à côté de chez moi, à Chelles. Ils vendent des livres, de la peinture et des disques, mais ils ont un très mauvais rayon disques. C'est une sorte de FNAC en un peu plus cool. Je suis pas très FNAC.


Je savais en finissant L'homme qui voulait vivre sa vie que j'allais enchaîner sur celui-là, La femme du Ve. C'est son dernier livre, il est sorti il y a deux ou trois mois.




Et maintenant, qu'en penses-tu, de ce livre?

J'ai lu 90 pages sur 380. Je ne suis plutôt pas déçu. A priori le personnage principal me plaît un peu moins que le précédent mais plus j'avance et plus il me convient. C'est un homme plus mûr que les précédents. Dans le livre que j'ai lu avant, le héros avait trente ans, donc j'étais plus touché par son histoire. Là, il a 45 ou 50 ans, donc j'ai mis plus de temps à me sentir concerné, mais ça vient.




Tu as envie de continuer?
Clair! ça ne m'est arrivé qu'une fois de ne pas finir un livre. C'était La dernière valse de Mathilde*. Je me souviens plus de l'auteur. Je ne me suis pas beaucoup accroché, faut dire. J'ai lu cinquante pages et ça m'a fait chier de bout en bout!


Quel est ton livre préféré?
J'en ai pas.

Ah bon????!!!


Ah si! Une autobiographie! Ca marche ça? Cash de Johnny Cash. Je ne suis pas un grand fan de sa musique, mais son livre... franchement ça déchire, ça déchire vraiment! Ce gars a eu une vie incroyable, c'est plus rock n'roll que tout ce que j'ai jamais lu, une vie de fou! je ne savais même pas qu'on pouvait vivre comme ça. Il est allé au bout du bout du bout... et il en est revenu d'ailleurs! Drogue, alcool, démence, dégoût de la vie... et il a réussi à se remettre sur pattes!

D'ailleurs c'est bizarre, en décrivant le truc, on aboutit au même personnage que le héros de La femme du Ve! Sauf que pour Cash, ce n'est pas un roman, mais une vraie vie... incroyable! Un homme exceptionnel! Je n'aime pas les autobiographies des artistes de 30 ou 40 ans, à cet âge-là je trouve ça un peu pompant, mais lui, il a eu une vie vraiment complète!

Maintenant, fais-moi une grimace inspirée par La femme du cinquième!



Pour le moment, la femme du Ve n'est pas encore apparue dans le livre, mais j'imagine qu'elle va être sexy!



Et désormais, Romain sera pour moi...

Celui qui m'a fait mourir d'envie de lire l'autobiographie d'un vieux rocker décadent! (et génial, soit dit en passant...)


* Il s'agit, après quelques recherches sur Google, de "La dernière valse de Mathilda", par Tamara Mac Kinley. Merci à Jo Ann, une bloggeuse du bout du monde (angolaise!) chez qui j'ai volé ce petit renseignement.

samedi 13 octobre 2007

Jake lit "Die Hunde von Riga"

Berlin, quartier de Mitte, dans la cuisine de Jake et Malcolm, le 2 octobre 2007.






Jacob, 27 ans, Américain, professeur d'anglais et barman. Vit à Berlin (Mitte).







Comme vous l'avez peut-être compris, Jacob, dit Jake, vit en colocation avec Malcolm - le musicien prof d'anglais qui adore lire Moby Dick sur le trône.



Dès qu'il a un moment, Jake dégaine un bouquin. Allongé sur le canapé, les jambes croisés. Sur son pouf rose fluo au milieu du salon. Des romans et des essais rédigés dans toutes les langues (anglais, allemand, français) jonchent le sol de sa mezzanine. Bref, Jake aime lire, et dans le texte, s'il vous plaît!


Je le retrouve bizarrement dans la même position que Malcolm lors de son interview : assis à la table de sa cuisine pour lire son roman à la lueur d'un spot.



Interview obligatoire! Et en français, en plus!



Qu'est-ce que tu lis?

Die Hunde von Riga d'Henning Mankell (en allemand).






Une phrase que tu aimes dans ce livre :

"Es fiel ihm immer noch schwer zu begreifen, dass es keinen Staat namens DDR mehr gab, dass ein ganzes Volk, dass Ostdeutsche, aufgehört hatte zu existieren."

Traduction (toute personnelle) : "Il lui était encore difficile de comprendre qu'il n'y avait plus d'état appelé RDA, qu'un peuple tout entier, celui de l'Allemagne de l'Est, avait cessé d'exister."





Pourquoi ce livre?

Parce que c'est le deuxième de la série policière et que j'ai lu le premier. Enfin, ce n'est pas réellement une série car l'ensemble des livres n'a pas de titre général, mais les histoires ont toutes le même inspecteur de police, Kurt Wallander.

Beaucoup de gens m'avaient dit que Mankell est un bon écrivain. C'est un auteur suédois.

Le livre est traduit en allemand et je veux lire en allemand pour progresser. C'est un policier, donc le suspense me pousse à continuer ma lecture : parfois, quand tu lis dans une deuxième langue, c'est assez lent, tu ne lis pas aussi vite que dans ta première langue. Avant, quand je lisais d'autres livres en allemand, ça ne marchait pas très bien. Maintenant que je lis des policiers, la motivation est plus grande.




Les chiens de Riga ( traduction de "Die Hunde von Riga") : ça se passe en Lettonie, cette histoire?


Pas encore, les héros sont toujours en Suède, mais je pense qu'ils vont bientôt aller en Lettonie, oui. C'est pour ça que la phrase que j'ai choisie est intéressante, parce qu'elle évoque la période de l'ouverture des pays de l'Est au reste du monde. Je pense que le livre va être intéressant : ça parle beaucoup de la criminalité, de la mafia des anciens pays soviétiques.





Ca raconte quoi, ce bouquin?


Un canot de sauvetage a échoué sur la côté suédoise. Dedans, il y a deux mecs qui ont été assassinés. Personne ne sait d'où ils viennent ni qui ils sont. C'est intéressant : le meurtrier les a tués, puis les a habillés avec leurs smokings. C'est un peu bizarre. Pendant l'autopsie, il a été découvert que leur dents ont été soignées par un dentiste de l'ancien bloc de l'Est (cela se voyait car la façon de travailler était très différente). On reconnaît donc que les deux gars viennent du bloc de l'Est et qu'on les balancés dans un canot jusqu'à la Suède.


A ce moment là, Malcolm délaisse un instant sa vidéo hurlante de Led Zeppelin et intervient : "He's telling you crap!" (Il te raconte des conneries!). Nous rions bêtement. Berlin, ça rajeunit. Malcolm nous présente un des ses amis anglais, mixte de Pete Doherty et de Hugh Grant, humour anglais à fond. Ils nous saluent et s'en vont à une soirée "coke et joints" en déplorant l'absence de gâteaux et de jus de fruits.




Comment ce livre est-il arrivé dans tes mains?

Je l'ai emprunté à Annika, la soeur de Katrin, mon ex-copine. Elle possède trois romans de la série. Elle va me prêter le troisième, j'en suis sûr. Ca me plaît, j'ai aimé les deux premiers.





Et maintenant, qu'en penses-tu, de ce livre?

J'ai lu 104 pages en cinq jours. Ce n'est pas très rapide, mais en allemand, c'est déjà pas mal pour moi. C'est facile à lire, c'est marrant, le style est classique des romans policiers... En fait non, ce n'est pas classique. Le héros, Kurt Wallander, a plein de problèmes, des problèmes de famille : son père est très vieux, sa femme vient de le quitter, il ne parle plus à sa fille et chaque fois qu'il est en mission, il a des accidents. Il est maladroit. C'est un anti-héros!


Pour l'instant je ne sais pas encore vraiment quoi penser de ce livre. Il faut que je finisse un livre pour le juger. Pour le premier par exemple, j'ai aimé le début de l"histoire, mais la fin traînait en longueur. Là, c'est le contraire.

A mon avis, cette suite de romans n'est pas conçue comme une série, car chaque opus a une fin en soi.


Pour le style d'écriture, je dirai que c'est un peu comme Fred Vargas, en France.


Ce qui est drôle, c'est que j'ai commencé à lire des livres policiers par motivation pour apprendre l'allemand et maintenant, je suis fan de ce genre. D'ailleurs, j'ai toujours adoré les films noirs aussi, comme Touch of evil d'Orson Welles...


Quel est ton livre préféré?

Impossible de choisir! Bon, il y en a deux que j'ai vraiment lu et relu : The great Gatsby (Gatsby le Magnifique) de Fitzgerald et A moveable feast (Paris est une fête) d'Hemingway.



C'est drôle, ces deux livres sont contemporains l'un de l'autre...

Ce style d'écriture très sincère, très direct était nouveau pour l'époque et a été créé par ces deux écrivains, Fitzgerald et Hemingway. L'atmosphère de ces deux romans me plaît. C'est "la bonne vie"... Les deux livres parlent de ce qui est important dans la vie. Ca m'a vachement influencé quand j'étais jeune. J'habite à Berlin pour vivre comme ces héros, peut-être. Ici il y a toujours des gens un peu fous, des personnages... ici, tu peux sortir et boire tous les soirs... faire n'importe quoi, un peu! La vie d'expatrié, quoi.



Maintenant, fais-moi une grimace inspirée par Die Hunde von Riga!


Tu fais l'assassin, ou le policier maladroit façon Pierre Richard dans "La chèvre"?

Et désormais, Jake sera pour moi...

Quelqu'un à qui je pourrai offrir un Agatha Christie traduit en magyar...


mercredi 10 octobre 2007

Bat For Lashes - Whats a Girl To Do

Ewa Demarczyk - Tomaszów

Le crossover de Thom

Kalistina, qui tient un super blog de lecture que j'ai découvert récemment, m'a mise sur la piste de Thom, qui tient un super blog musical et littéraire.
Thom a inventé un crossover amusant : les bloggers littéraires écrivent sur un disque, les musicaux, sur un livre.
Après avoir fouillé ma discothèque démentiellement grande (je vis avec un homme qui a longtemps nié que le mp3 puisse être un format valable et qui s'accroche à ses vieux CD, voire cassettes, comme une moule à son rocher) je vous ai dégotté du très pointu.
Plutôt que de vous parler de Nick Cave, Tom Waits, Björk ou Lhasa, que j'adore, mais que vous connaissez, je vous ai sélectionné deux femmes aux voix exceptionnelles.
Brunes, belles, sensuelles et nordiques.
La première, c'est Natasha Khan du groupe Bat for Lashes. Je les adore depuis le tout début de leur carrière... et je vous ai déjà parlé d'elles. Ce clip, en plus, est une merveille absolue à la David Lynch. J'aime tout chez Natasha Khan : sa voix, ses fringues de mini-Sioux qui construit des cabanes dans la forêt, son humour (je l'ai vue sur scène) et même son nom!
La deuxième, c'est Ewa Demarczyk. Une chanteuse polonaise qui a connu la gloire dans les années 1960. Admirez l'eye-liner.

dimanche 7 octobre 2007

La peinture fait résonner l'idée

Paris-Berlin, par Internet


La Fernsehturm de Berlin


En juillet, vous vous en souvenez peut-être, j'avais interviewé Bill, un peintre américain, à la terrasse d'un café parisien.




Vous savez aussi peut-être que pour moi, ce blog est une sorte d'adaptation des lignes artistiques qui m'influencent le plus : le jeu des hasards et des correspondances, de Baudelaire à Sophie Calle, en passant par Edgar Allan Poe ou encore Paul Auster.





Or, Bill, ma deuxième "victime" interviewée pour les besoins de ce blog, m'a fait une belle surprise en matière de jeu de correspondances.





Fasciné par ce cliché de la photographe américaine Evelyn Hornstein pour le "New York Times" (qui, il faut le souligner, est véritablement troublante), il en a fait une toile que je trouve particulièrement vivante.






La photo d'Evelyn Hornstein pour le "New York Times" du 16 août 2007






L'interprétation de Bill




La photo d'Evelyn Hornstein représente des ouvriers du port de Mombasa, au Kenya, qui pelletent du blé en provenance du Texas, déchargé de la cale d'un cargo américain.





Voilà ce qu'en dit Bill :


"The imagery is so powerful and speaks to the exploitation and contradictions of this historical time. The angular geometry of the upper world looking down on the forgotten people in the dust, grit and futility of the lower world--the cargo hold. Dante meets Kubrick in Noah's abandoned ark."



Traduction :


"L'impact de cette image est extrêmement puissant et souligne l'exploitation et les contradictions de notre temps. La géométrie angulaire du monde supérieur surplombant les être oubliés dans la poussière, le sable et la futilité du monde inférieur : la cale du cargo. Dante rencontre Kubrick dans l'Arche de Noé abandonnée".



Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour moi, si belle que soit la photo originale, la peinture de Bill fait encore bien plus résonner l'idée...


mardi 25 septembre 2007

Malcolm lit "Saturday"



Berlin, quartier de Mitte, appartement de Jake et Malcolm, le 16 septembre 2007.


Malcolm, 31 ans, Anglais, musicien rock et professeur d'anglais. Vit à Berlin (Mitte).




Pendant mon séjour berlinois, c'est Jake, un ami américain, qui m'héberge dans son appartement idéalement situé en plein centre de la ville. Malcolm, son colocataire anglais, lisait devant moi tandis que je travaillais à mes recherches pour ma nouvelle pièce de théâtre.
Il s'est donc prêté au jeu de l'interview littéraire... dans la langue de Molière!



Qu'est-ce que tu lis?

Saturday, d' Ian Mac Ewan (en anglais).




Une phrase que tu aimes dans ce livre :


"From the second floor, he faces the night, the city and its icy white light, the skeletal trees in the square, and thirty feet below, the black arrow head railings, like a row of spears."



Pourquoi ce livre?

J'aime bien cet écrivain, Ian Mac Ewan. C'est un de ses romans récents, j'étais donc curieux de le lire car je n'ai pas lu de bouquin de cet auteur depuis un moment.
L'histoire se passe à Londres. Je pense que j'avais envie de lire quelque chose qui se passe là-bas. J'habite à Berlin, il y a probablement un élément de nostalgie de ma part. J'avais envie de me tenir au courant de la vie à Londres.



Comment ce livre est-il arrivé entre tes mains?

J'étais en vacances en Angleterre. J'ai volé ce livre dans l'appartement de mon frère il y a trois semaines, à Londres. Je ne sais pas si mon frère avait l'intention de le lire, mais il ne lit pas beaucoup, donc cela ne devrait pas lui manquer. En plus, en trouvant le livre, j'ai vu qu'il y avait le nom de ma mère dedans. Tu vois, "Rennie", c'est le nom de ma mère... Je pense que ce livre lui appartenait et qu'elle l'a ensuite donné à mon frère qui ne l'a pas lu.





Tu lis tout le temps dans la cuisine, comme tu le fais en ce moment?


Non, je lis dans les toilettes! Je lis au lit aussi (mais cela me fait dormir, je ne dépasse même pas une page...), et parfois dans les transports publics.
Lire aux toilettes, c'est une question d'habitude. C'est aussi un moment de calme, un moment où je ne peux rien faire d'autre que lire... C'est juste que si je n'ai pas un bouquin dans les mains, j'en ai un peu marre d'être aux toilettes... (aaaaaaah, il avoue!) Et il y a quelque chose dans la position que tu as aux toilettes qui est vraiment confortable... C'est un moment de repos. (Mon Dieu Malcolm, quelle magnifique apologie de la cuvette!)


Et maintenant, que penses-tu de ce livre?

J'ai commencé le livre aujourd'hui. J'aime bien. Je connais le style de l'auteur et je savais que j'allais aimer son écriture. C'est un début intéressant (j'ai lu une vingtaine de pages) et j'ai envie de continuer.


L'action se passe sur une journée, un samedi de la vie de quelqu'un qui habite à Londres. Ian Mac Ewan écrit toujours des choses un peu glauques : le protagoniste est un médecin qui travaille à Londres. J'ai déjà lu une série d'explications d'opérations chirurgicales qui sont décrites avec une clarté assez horrible pour une personne qui ne pratique pas la médecine. L'auteur a un talent pour insérer des choses horribles, choquantes, dans un des contextes banals, au moment où tu ne t'y attends pas.

Il existe quelques films tirés de ses romans : The cement garden, avec la fille de Serge Gainsbourg. C'est un film d'art et d'essai en noir et blanc, très étrange, qui date des années 90. Je viens de regarder aussi un film tiré de Enduring love, avec des comédiens connus en Angleterre, c'était pas mal non plus.


En tant qu'artiste, comment te nourris-tu de tes lectures?

Autrefois, quand je faisais plus de "songwriting", inconsciemment, j'étais très influencé par mes lectures. Surtout par des mots précis. Moby Dick m'a inspiré un morceau. J'ai écrit un autre morceau inspiré par un poème en latin, mais ce n'était pas fait exprès. Quand je m'en suis rendu compte, j'ai délibérément travaillé en direction de cette influence en écrivant les paroles de ma chanson.



Quel est ton livre préféré?

Moby Dick de Melville. J'aime bien les classiques, j'aime bien les romans qui se passent "sur la mer". Les situations d'aventure : les hommes contre les forces de la nature. Je l'ai lu à l'âge de 23 ou 24 ans, ce qui est assez tard. Quand je faisais mes études de lettres en Angleterre, Melville était l'un des auteurs qui faisaient partie des canons de la littérature en anglais. J'adore les jeux de mots de Melville, sa manière d'utiliser le langage.



Et maintenant, fais-moi une grimace inspirée par Saturday!




Dans le premier chapitre, le protagoniste se lève très tôt par hasard, il voit une comète dans le ciel de Londres et il la regarde... On peut d'ailleurs voir cette comète sur la couverture du livre.



Et désormais, Malcolm sera pour moi...

Le marin qui surfe sur la cuvette sans jamais tomber dans le trou fatal...




vendredi 14 septembre 2007

Prières secrètes


Une petite église de province, le 8 septembre 2007









Je sens que ce billet va choquer.





Mais on suit les traces de Sophie Calle avec audace, ou pas.




J'assume complètement mon voyeurisme : n'est-ce pas le concept même de ce blog?





Je visitais récemment une jolie église dans une petite ville de province, lorsque que j'aperçus ce carnet de notes grand ouvert. Forcément une invitation à la lecture.





Une petite note délicieusement surannée, tapée à la machine, expliquait que "les prières rédigées dans ce carnet seront lues par les enfants de choeur " lors de la célébration de la messe.




Ni une ni deux, je me plonge sans le moindre scrupule dans une lecture passionnée de toutes ces prières laissées comme des bouteilles à la mer par les paroissiens.




Beaucoup demandent qu'on leur envoie le bonheur d'avoir un enfant, certains souhaitent que leur travail soit moins pénible, plus lucratif, plus satisfaisant ; d'autres voudraient bien avoir un toit et un job, tout bêtement.




D'autres prières encore, profondément émouvantes, demandent la guérison du corps et de l'âme. L'une d'elles m'a laissée ébranlée au milieu de la nef : "Seigneur, je suis à bout. Donne-moi la force. Je ne peux plus continuer".


Sur la page photographiée, on peut lire, fautes d'orthographe incluses :



"Seigneur soulage ma maman elle a besoin de toi merci"


"Seigneur Jésus je te supplie de nous accorder la joie de recevoir un enfant. Merci pour cette enfant que tu prépares déjà dans mes entrailles Amen"


"Seigneur je te cherche est-ce que tu viendras vers moi"


"Seigneur prend pitié de moi pécheur"


"Seigneur, Dieu tout puissant, Maître de l'Univers, guide nous correctement dans notre vie de tous les jours et prends pitié de nous. Je t'en supplie. AMEN"


"Seigneur, Prière collective pour mon changement de service [...]"


Ici, la photo est coupée et je n'ai pas eu le temps de noter le texte, car l'organiste a débarqué en grande pompe dans l'église, lui-même aussi sonore que son instrument, me laissant juste le temps d'écrire à mon tour une prière dans le carnet.






Maintenant chers lecteurs, je pars pour Berlin, mon avion décolle d'ici quelques heures et je vous promets de vous rassasier de magnifiques interviews... En somme, je m'engage à :


- Réaliser une interview dans l'avion (aller ou retour, selon ce que j'aurai sous la main comme lecteur!)


- Interviewer un(e) Berlinois(e) pur jus


- Faire une interview en allemand! (attention, grand challenge...)






Soyez prêts, comme le dit en allemand ce dessin que j'ai photographié à Berlin en février...




lundi 10 septembre 2007

Michel lit "Langages totalitaires"


Dreux, sur la terrasse d'un loft, le 9 septembre 2007.






Michel, 58 ans, comédien, metteur en scène, professeur d'art dramatique, journaliste radiophonique, auteur-adaptateur. Vit à Paris (18e).













En tournée à Dreux, où je joue un petit rôle dans La Reine morte d'Henri de Montherlant, l'un de mes partenaires de scène me parle d'un livre qu'il lit en ce moment.




Soyons tout à fait honnêtes : j'ai un peu triché, cette fois. Cette interview n'est pas le fruit du hasard, je l'ai provoquée parce que Michel et son livre étaient trop intéressants pour passer à côté d'une telle aubaine.





Qu'est-ce que tu lis?



Langages totalitaires, de Jean-Pierre Faye. Il y a un sous-titre important : Critique de la raison narrative et critique de l'économie narrative, "critique" et "économie" étant placés l'un au-dessus de l'autre.










Une phrase que tu aimes dans ce livre :


C'est une question difficile pour commencer... Tu vois, je feuillette le livre devant toi. Tu vois tout ce qui est souligné et ce tout ce qui est noté dans la marge. Finalement, tout est important... Voilà : "Dans les commencements d'une révolution, on ne peut jamais savoir, devant les prétendus écarts, s'il s'agit de simple confusion personnelle, ou des germes d'un nouveau parti." Ou comment l'on est conduit d'une préoccupation individuelle à la construction d'un outil politique.





Pourquoi ce livre?


Mes lectures s'inscrivent toujours dans une constellation. je choisis toujours un livre à cause d'un autre livre. J'ai passé une partie de l'été à lire des ouvrages qui tous avaient trait à la période de la Deuxième Guerre Mondiale. Un exemple parmi d'autres, les articles que Joseph Kessel a écrits lorsqu'il a couvert pour la presse nationale les procès qui ont suivi la Libération (Pétain, Nuremberg, entre autres) et j'avais été frappé par la pureté de la langue qu'il utilisait - alors que c'est une langue journalistique : il y a des moments qui sont très saisissants. Du coup, je me suis mis à lire le livre que Hannah Arendt a consacré au procès de Eichmann à Jérusalem au début des années soixante*. C'est à travers ces lectures que j'ai été conduit vers celle-ci, qui correspond au tableau d'ensemble historique auquel on fait référence dans chacun des autres ouvrages.



C'est un ouvrage de philosophie historique qui est assez compliqué, d'ailleurs j'ai lu 150 pages en un mois avec beaucoup d'attention, en prenant des notes et en me munissant d'un dictionnaire d'allemand : la précision de la traduction est capitale pour comprendre exactement le fil de la pensée et de la démonstration qui s'ensuit.


C'est un ouvrage assez ancien, publié pour la première fois en 1972 et republié il y a une dizaine d'années. Il est considéré par les politologues ou les philosophes de l'Histoire comme un des ouvrages majeurs du Vingtième Siècle, parce qu'il réussit en partie à faire comprendre comment on a pu rendre acceptable l'idéologie nazie. Mais aussi la destruction, le meurtre, l'autodissolution d'un pays, l'Allemagne. C'est l'énigme majeure : l'Allemagne était dans les années 1930 un des pays les plus développés, les plus cultivés du monde, avec une grande tradition philosophique. Georges Steiner disait : Comment peut-on rendre compte du fait qu'il y a, à quelques kilomètres d'écart, un camp de concentration et Weimar qui est la patrie de Goethe?




Rappelons-le au passage, Jean-Pierre Faye a été l'un des fondateurs de la revue Tel Quel avec Philippe Sollers, puis de Change. Il s'est beaucoup appliqué à travailler sur les capacités meurtrières du langage ; or, dans l'histoire du Vingtième Siècle, elles ont atteint un sommet : les mots ont tué, véritablement.

Quel est ton rapport physique avec cet objet? Où et comment l'as-tu acheté?


Quarante euros, c'est cher. Malgré mes nombreux métiers, je suis intermittent du spectacle, et très intermittent parfois : parfois très riche, parfois très pauvre. Il est vrai que je convoite souvent longtemps les livres. Je les achète quand j'ai les moyens de les acheter. J'avais envie de lire celui-ci depuis fort longtemps, avec un autre d'ailleurs, Le vocabulaire européen de la philosophie**, qui, lui, est encore plus cher : j'espère qu'on me l'offrira pour mon anniversaire ou pour Noël! J'avais cherché ce bouquin à la FNAC Saint-Lazare à Paris. On trouve des libraires qui sont des gens cultivés mais aussi des abrutis intégraux, dont cette personne qui a prétendu que ce livre n'existait pas, qu'il était complètement épuisé. En réalité elle avait regardé dans une mauvaise rubrique, je suis allé dans les rayons et je l'ai trouvé... Un peu méchamment, je suis allé le lui montrer. C'est un peu dur, mais après tout, c'est vachement important! On ne peut pas vendre des livres comme on vend des baskets ou de la lessive, enfin!


J'attends parfois plusieurs années avant de pouvoir acheter un bouquin, et j'en ai beaucoup aujourd'hui... parce que je suis un peu vieux maintenant!




Et maintenant, qu'en penses-tu, de ce livre?


Cette lecture permet de faire le lien entre des choses qu'on ne met pas en rapport habituellement. Malgré l'extraordinaire complexité de la matière, l'écriture de Jean-Pierre Faye est parfaitement limpide. Je n'ai pas besoin, si j'interromps ma lecture pendant une semaine par exemple, de relire les pages qui précèdent. Je retrouve aussitôt le fil, parce que la pensée est limpide. Elle est parfois même un peu trop méthodique. Il s'agit de comprendre comment il y a eu une constellation idéologique qui s'est constituée et qui a conduit au nazisme. Il prend les choses depuis le dix-neuvième siècle et surtout après la guerre de 14. Il faut avoir quelques notions de philosophie et éventuellement se replonger dans les manuels de terminale, pour avoir les faits de la République de Weimar par exemple.





Donc, au bout de ces 150 pages, tu as déjà quelques clefs, quelques élements de réponse sur le discours totalitaire et la construction de l'idéologie nazie?


Absolument! Parce que Faye raisonne d'une manière topographique. Il situe les matières dont il parle sur le terrain des idéologies . Donc on peut les repérer d'une manière schématique, à travers une espèce de figure où l'on voit apparaître le positionnement de chacune de ces matières. L'entreprise est tellement étendue qu'il reste énormément de choses à découvrir - ça lui a pris dix ou quinze ans de sa vie... Mais je crois avoir saisi, dans les cent cinquante premières pages, l'essentiel de la trame. J'arrive à suivre la pensée et je comprends d'où elle vient et où elle va me conduire.


François Miterrand, qui n'était pas le dernier crétin venu, disait que c'était l'un des livres majeurs du vingtième siècle. C'est intéressant d'avoir le point de vue d'un homme politique, de quelqu'un qui a dirigé une nation comme la nôtre, qui considérait ce livre comme un sésame pour comprendre l'histoire du vingtième siècle. C'est capital.



Est-ce que tu arrives à lire ici, en tournée, avec toute la troupe autour? (Nous sommes onze comédiens, plus une maquilleuse et un régisseur, et en tournée, on se voit presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre...)


Non, pas vraiment, je l'avoue... je n'arrive véritablement qu'à remplir les grilles de mots croisés du Monde!


Mais je suis frappé d'une chose. Je suis un grand lecteur depuis mon enfance. Or je ne lis pas dans les endroits où je vois la plupart des gens lire (le métro, le bus, etc.). Les gens qui lisent dans les transports en commun semblent utiliser le livre comme un outil de repli sur soi qui leur permet de ne pas avoir la conscience de l'existence de l'environnement. C'est un truc qui m'étonne. Je suis un peu perplexe.



Moi, je peux tout à fait m'absorber...


Mais peut-être est-ce affaire de génération, tu sais. Je suis un peu vieille France, j'aurais trouvé inconvenant quand j'avais quinze ou vingt ans de lire dans un transport en commun autre chose qu'un journal. J'aurais probablement pensé que je lisais mal. J'ai besoin d'un environnement calme. J'ai besoin que le regard, quand il quitte les caractères graphiques, puisse s'évader, puisse aller loin dans l'horizon. Or, je suis trop passionné par les êtres et quand je suis dans les transports en commun, j'observe. Je regarde les gens, je les capte, je les apprécie, dans tous les sens du terme. C'est un terrain d'observation que je préfère infiniment à la lecture.

Quel est ton livre préféré?


Belle du Seigneur, d'Albert Cohen, parce que c'est le plus beau livre d'amour que j'aie jamais lu. On peut ne pas être d'accord, car Cohen était macho et le personnage de Belle du Seigneur est lui-même un grand séducteur machiste, mais c'est quand même un magnifique livre d'amour. Je l'ai d'ailleurs offert à des femmes que j'aimais bien - pas forcément amoureusement - qui parfois l'ont pris comme le signe d'une immaturité... comme si elles se disaient : "S'il aime ce livre, c'est qu'il en partage les tenants et les aboutissants", ce qui est faux! J'espère être infiniment moins machiste que Solal dans Belle du Seigneur. Il n'en reste pas moins que c'est un bouquin où l'on a rarement décrit la passion avec autant de finesse, autant d'humour... c'est beau, tout simplement!

Maintenant, fais-moi une grimace inspirée par Langages totalitaires!






Et désormais, Michel sera pour moi...


Un voyageur, un curieux, un excellent acteur, un littéraire, un philosophe... pour moi, l'incarnation de la bohème à la française...




* "Eichmann à Jérusalem", Hannah Arendt, éditions Folio Histoire.

** "Le Vocabulaire européen des philosophies" (sous-titré "Dictionnaire des intraduisibles") est un dictionnaire encyclopédique du lexique philosophique, réalisé sous la direction de Barbara Cassin. D'aucuns considèrent cet ouvrage comme le "Lalande" du XXIe siècle. (source : Wikipédia).