mardi 31 juillet 2007

Moments volés à Beaubourg


Paris, Centre Pompidou, 29 juillet 2007



Pardon, Centre Pompidou !





Je n’avais pas le droit d’y prendre des photos,









mais tu es trop belle, bibliothèque chérie…



Voici quelques livres échoués à 21h45, après la bataille, quand la bibliothèque ferme.



Ce ne sont pas des moments volés à des gens frontalement ; ce sont des moments volés en leur absence et qui pourtant leur appartiennent.






"Text und Kritik", un livre en allemand sur l'oeuvre de Gottfried Benn. Justement le jour où j'écrivais sur Berlin... je me demande qui a lu ce livre. J'imagine un thésard en lettres germaniques... Il faudra que je retrouve cette personne dans mes moments volés dans la rue...



"Les raisins de la colère", de Steinbeck. Le livre et la critique. En anglais. Très internationaux, ce soir-là, les lecteurs de Beaubourg...

Un "Marie-Claire" de mai 2007 avec Ayshwarya Ray en couverture. Etait-ce pour cette belle actrice indienne que ce lecteur ou cette lectrice s'est emparé de ce numéro?



Et voilà, c'est fermé, je m'en vais...

C'est beau, Beaubourg, la nuit!

Et désormais, Beaubourg, ce sera pour moi...

Un terrain de jeu, et tant pis pour les autorités!











Bill lit "Les Fleurs du Mal"







Paris Ve, Café de l’Ile de France, le 30 juillet 2007.


BILL, 63 ans, Américain, aquarelliste, vit à Paris (20e)







Quand j’ai servi Bill en terrasse, j’ai entendu son petit accent tellement West Coast. Il est resté des heures à lire en terrasse avec un verre de Bordeaux. Les nuages changeaient de couleur et Bill était toujours là… nous avons discuté en anglais. Il est né à San Francisco et a vécu 20 ans à New York. So beatnik!

Qu’est-ce que tu lis ?

« Les Fleurs du Mal » de Charles Baudelaire, dans une édition bilingue français/anglais additionnée d’une « Litterary criticism ».




Une phrase que tu aimes dans ce livre :

« Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. » You know that poem, don’t you ? It’s very famous here, isn’t it…

Pourquoi ce livre ?

Parce que cela faisait longtemps que je voulais lire Baudelaire en français. Petit à petit, j’y viens. J’adore la langue française. Un corps différent naît avec une langue différente. Je deviens beaucoup plus conscient de mon corps, de ma gestuelle. Je pense que la lecture peut vraiment vous transformer physiquement. L’anglais est une langue sèche et rapide. C’est comme une chips. C’est un langage précis. Le français, lui, a besoin de temps. French is all about time. Ecoute ce mot, « nuage ». On dirait vraiment qu’il flotte. « Cloud », ça tombe par terre.


Pourquoi lis-tu à la terrasse d’un café ?

C’est bien mieux que de lire à la maison, surtout avec un verre de vin et les gens qui passent et de jolies serveuses qui viennent vous photographier et vous poser des questions… (oh le charmeur !). C’est vrai qu’à la maison, je lis parfois à voix haute pour m’entraîner. Ici je l’ai fait aussi, mais discrètement. D’ailleurs ce café me tient beaucoup à cœur. C’est l’endroit où, en arrivant à Paris, ma femme et moi avons décidé de vivre séparément. Nous sommes toujours mari et femme, mais j’avais besoin de vivre des choses, seul.

Et maintenant, qu’en penses-tu, de ce livre ?

Je l’adore. Tout d’abord, j’adore Baudelaire. En le lisant en français, je commence tout juste à comprendre ce qu’il voulait vraiment écrire. C’est très émouvant de se rendre compte qu’on commence à prendre contact avec un auteur et une langue.

Quel est ton livre préféré ?

How can you ask a question like that ? Je lis tellement de livres… (il cherche longtemps, longtemps…) Je crois que mon livre préféré, c’est toujours le dernier que j’ai lu.Non, attends, je veux répondre honnêtement à cette question… « Thomas Hardy », une biographie de Clare Tomalin.

Maintenant, fais moi une grimace inspirée par ce bouquin !


Bon, ce n’est pas une grimace, ça, Bill. Mais c’est beau.


Et désormais, Bill, ce sera pour moi...

Un poète que j'aurais voulu écouter des heures...


Victoire lit "L'âme de Billie Holiday"


Paris Ve, Café de l’Ile de France, le 30 juillet 2007

VICTOIRE, 22 ans, gérante de café dans le 5e arrondissement, Paris.
Vit à Paris (18e)













De temps en temps je travaille avec Victoire, comme serveuse. Aujourd’hui je me suis rendue compte qu’elle lisait lorsqu’il n’y avait pas de clients…

Qu’est-ce que tu lis ?

« L’âme de Billie Holiday » de Marc-Edouard Nabe.









Une phrase que tu aimes dans ce livre :

« On essaie de vivre cent jours en un, de faire plaisir à tant de monde, tordre cette note, tordre cette autre, chanter de cette façon, chanter de cette autre, avoir toutes les sensations, tout dévorer, tout en un seul jour… On n’y arrivera pas, et c’est pour ça que la mort vient nous chercher plus tôt que les autres. »

Pourquoi ce livre ?

D’abord, parce que Billie Holiday est une de mes chanteuses préférées. Mais je ne savais pas quoi lire dernièrement, je cherchais un livre à acheter et je suis tombée dessus par hasard dans une librairie rue Saint-Antoine. La couverture me plaisait beaucoup.

Et maintenant, qu’en penses-tu, de ce livre ?

Ca ne me plaît pas. Je n’ai pas réussi à entrer dedans. Il se lit rapidement, ce n’est que de la description, la description d’une chanteuse par un homme qui ne l’a jamais rencontrée. C’est d’ailleurs plus la description de ce qu’elle chantait et de la façon dont elle le chantait.

Tu arrives à lire dans cet environnement, avec tout ce bruit, les clients, les voitures ?

Lire au travail, dans le café, ça me détend. J’arrive plus à rentrer dedans que lorsque je lis au calme. Avec tout le bruit ici et toutes les têtes que je vois, tout le bruit extérieur, les chiens, les enfants, les voitures, les couleurs, j’arrive à reconstituer visuellement les histoires qui se passent dans le livre. J’ai l’impression que les personnages existent réellement.


Quel est ton livre préféré ?

« Le Parfum » de Süskind. Mais je ne suis pas une grande lectrice...




Maintenant, fais-moi une grimace inspirée par ce bouquin!






Je chante du jazz!




Et désormais, Victoire, ce sera pour moi…

La jolie fille qui en vit plus long qu’elle n’en dit…